Waris, le joueur qui déchire la Bretagne du foot
PAR NICOLAS SKOPINSKI
L’attaquant ghanéen évoluant dans le club turc de Trabzonspor s’apprêtait à rejoindre le Stade Rennais. Depuis lundi, l’affaire semblait ficelée entre les deux clubs. C’était le choix n° 1 de Philippe Montanier, l’entraîneur rennais. Mais coup de théâtre à l’aéroport de Roissy ce matin. Des dirigeants du FC Lorient, le club voisin, étaient là également pour réceptionner le joueur qui a finalement pris la direction du Morbihan. Récit d’une journée rocambolesque.
Le football breton ne gagne pas souvent des titres, mais il fait souvent le bonheur des gazettes. L’épisode du transfert Abdul Majeed Waris devrait alimenter les conversations pendant plusieurs jours. La rivalité sportive est réelle dans une région qui regorge de clubs au sein de l’élite du football (Rennes, Nantes, Lorient, Guingamp en L1, Brest en L2…). Les derbys sont des moments importants dans une saison, mais désormais le match ne joue plus seulement sur le terrain. En coulisses, ça bataille sévère aussi…
Ces dernières années, ces clubs, pas très éloignés en terme de résultats malgré des différences de standing, ont pris l’habitude de se faire des croche-pieds au niveau des transferts. Voilà qu’un nouveau feuilleton se joue cet été après les épisodes récents de Sadio Diallo et Gelson Fernandes, partis pour signer à Lorient et finalement embauchés par Rennes, ou encore le cas de Jérémy Morel, qui devait quitter Lorient pour Rennes et qui a finalement atterri à Marseille. Sans oublier la tentation de Rennes de chiper Jocelyn Gourvennec à Guingamp. Et cette nouvelle affaire ne manque pas de sel.
L’attaquant Abdul Majeed Waris (23 ans) est au cœur d’un imbroglio entre les deux clubs de Rennes et Lorient. (Photo : Georgi Licovski/Epa)
Le Stade Rennais cherche depuis des semaines à renforcer son secteur offensif, les Toivonen, Habibou, Saïd, voire Grosicki étant invités à aller voir ailleurs. Ce n’était plus un secret pour personne que « l’oiseau rare » se nommait Abdul Majeed Waris. L’attaquant ghanéen de Trabzonspor, en Turquie, était pisté par la cellule de recrutement rennaise depuis des mois. Déjà l’été dernier, elle avait essayé d’attirer ce vif joueur offensif, dont les qualités ont surtout été remarquées lors de son passage de six mois à Valenciennes en 2014 (16 matchs, 9 buts).
Un accord entre Rennes et le club turc ?
Longtemps inaccessible financièrement, les dirigeants rennais ont misé sur la patience et ont aussi profité d’une saison en demi-teinte de Waris en Turquie pour revenir à la charge cet été. De longues semaines de discussions pour, finalement, parvenir à un accord en ce début de semaine. Trabzonspor a fini par accepter l’offre du Stade Rennais, autour de 3,5 millions payables en trois mensualités annuelles. Les garanties bancaires envoyées par le club breton ont débouché sur un document signé des deux parties autorisant le Stade Rennais à rencontrer le joueur afin de se mettre d’accord avec lui. Une procédure réglementaire en matière de transfert.
Seulement, depuis le départ de Jordan Ayew, le FC Lorient était également entré dans la danse depuis plusieurs jours. Les deux clubs se savaient d’ailleurs en concurrence sur ce dossier. Trabzonspor a eu beau jeu de mener des discussions parallèles, histoire de faire monter les enchères et de vendre son joueur le plus cher possible.
Sentant le Stade Rennais prendre une longueur d’avance en début de semaine, le club morbihanais a tenté un coup de poker en proposant une somme proche des 5 millions d’euros. Et surtout un paiement cash ! Le président Loïc Féry profitant de l’enveloppe financière du transfert d’Ayew à Aston Villa (autour de 12 millions d’euros).
Lorient a besoin d’attaquants
Sans attaque, Lorient n’avait pas d’autre choix que de prendre de vitesse son voisin rennais, quitte à surpayer le transfert d’un joueur qui a encore énormément à prouver. Trabzonspor, tout content de l’aubaine, ne s’est pas privé pour accepter cette offre tombée du ciel. Les dirigeants lorientais n’avaient plus qu’à convaincre le joueur. Ce dernier a pris ce matin l’avion de Turquie en direction de Paris. Hier matin il pensait signer à Rennes, hier soir il a compris que ce serait finalement plutôt Lorient. « Ce qu’il veut, c’est jouer et sans doute qu’il a plus de chances d’être titulaire à Lorient qu’à Rennes », explique un proche du dossier.
Pourtant, ces dernières heures, Waris aurait laissé entendre qu’il n’était pas vraiment disposé à jouer sur un terrain synthétique à Lorient ? « Les dirigeants rennais ont insisté sur cet argument, pendant que les Lorientais faisaient savoir à Waris qu’il serait remplaçant à Rennes vu le nombre d’attaquants. Dans les deux cas, c’est de bonne guerre. Chacun avance ses arguments dans une négociation. »
Sauf que le Stade Rennais était persuadé que l’affaire était ficelée, document signé de Trabzonspor à l’appui. Et c’est donc tout naturellement que le club a envoyé Elouan Vivier, le coordinateur sportif adjoint du club, à Roissy afin d’accueillir le joueur. Et c’est là que l’affaire prend une tournure pour le moins pittoresque. Le FC Lorient avait aussi mandaté trois personnes pour réceptionner le Ghanéen. Ce dernier, accompagné de son agent, a finalement pris la direction du Morbihan. Au grand dam des responsables rennais, fous furieux devant ce qu’ils estiment être « un coup de force illégal du FC Lorient. » Sûr de son bon droit, le président René Ruello envisageait ce midi de porter l’affaire devant la Fédération internationale (FIFA).
Recours auprès de la Fifa ?
L’accord signé entre Rennes et Trabzonspor comporterait une date limite pour permettre à Rennes de trouver un accord avec Waris. Le FC Lorient peut-il faire signer le joueur avant cette fameuse date ? « No comment à ce stade », a simplement lâché le président des Merlus, Loïc Féry. Sylvain Ripoll, l’entraîneur, n’a pas souhaité non plus en dire plus. Il a pris acte de la signature d’un autre attaquant, Benjamin Moukandjo, en provenance de Reims, en attendant d’y voir plus clair sur le dossier Waris.
Même silence du côté rennais ce mercredi après-midi, le président se trouvant en vacances à l’étranger. La position du joueur devrait éclairer un peu cette affaire. S’il est effectivement disposé à rejoindre Lorient, on imagine mal Rennes aller le rechercher dans le Morbihan. Sauf si les règlements l’y obligent…
Depuis l’épisode de l’aéroport, les supporters se déchaînent sur les réseaux sociaux. La situation est suffisamment cocasse pour donner du grain à moudre aux deux camps. Une chose est sûre : les derbys bretons ont déjà commencé avant même le coup d’envoi de la saison…